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Dans ce deuxième épisode, Muriel Boivin, interprète de l’écrit au Messageur depuis 2012, nous parle des évolutions du métier, de son expérience du sous-titrage en direct ainsi que des apports et des limites des nouvelles technologies. 

 

Depuis ton arrivée, as-tu constaté des évolutions dans ton métier et dans le sous-titrage en direct ?  

Mes premiers pas dans le métier il y a plus de 13 ans m’ont logiquement amenée à sous-titrer pour des associations de devenu·e·s sourd·e·s et malentendant·e·s qui militaient pour ce moyen de compensation adapté à leur handicap qu’est la transcription écrite. Les participants calaient bien souvent leur réunion sur mon rythme de transcription, vérifiant scrupuleusement la fidélité du texte aux propos, marquant autant de pauses que nécessaire.  

C’était un fonctionnement collégial où tout était inclusion. Les participants, tout autant que moi, ayant à cœur de propager « le sous-titrage en direct à la vitesse de la parole », les réunions étaient le terrain d’expérimentation du logiciel, des bonnes pratiques de communication, mais aussi des premiers essais de sous-titrage à distance grâce à l’avènement d’internet et l’implication d’une toute jeune entreprise, Le Messageur.

Il y avait une volonté de diffuser le sous-titrage peu importe la technique : vélotypie, reconnaissance vocale… Pour les personnes sourd·e·s et malentendant·e·s, c’était une petite révolution d’avoir le texte des échanges qui s’affichait sur un grand écran dans un autre cadre que celui de la télévision, et c’est bien la loi handicap du 11 février 2005 qui avait donné l’impulsion pour revendiquer et diffuser de plein droit ce moyen de compensation.   

En 2014, mon embauche comme salariée en CDI à temps complet au Messageur fut directement liée à l’essor des CRT (Centres relais téléphoniques) à destination des personnes sourdes ne pratiquant pas la langue des signes, mais souhaitant bénéficier du sous-titrage direct pendant leurs appels téléphoniques. Le CRT Websourd à Toulouse (aujourd’hui Elioz) développait sa branche « texte » et avait besoin d’opérateur·rice·s pour sous-titrer en temps réel, et justement j’étais prête pour le métier. À l’époque, la personne sourde lançait son appel depuis un terminal spécial conçu et mis à disposition par le CRT. Aujourd’hui, il s’agit d’un service d’abonnement en ligne à partir d’une adresse URL (disponible sur PC, téléphone mobile, tablette), cependant l’interprète de l’écrit reste le maillon entre l’appelant·e ou appelé·e sourd·e et le service souhaité.  

Quand on a démarré notre partenariat avec le CRT Websourd, on couvrait des plages horaires beaucoup plus courtes qu’aujourd’hui. À l’époque on avait parfois moins d’un appel par jour, parce que c’était le début, c’était quasiment inconnu, et pour utiliser le service, il fallait être équipé du terminal. Les personnes avec une surdité ne savaient pas elles-mêmes que ce service existait. Seules les personnes en entreprises qui avaient été sensibilisées pouvaient y avoir accès. On était vraiment dans les prémices. J’ai observé de l’intérieur l’essor de ce dispositif qu’il fallait longuement expliquer aux interlocuteurs entendants qui parfois me raccrochaient au nez, pensant que je faisais du démarchage ! Aujourd’hui, nous sommes intégrés dans le paysage téléphonique et peu de personnes sont encore surprises de notre existence.  

C’est vraiment la loi de 2005 qui a permis aux entreprises de s’intéresser à l’accessibilité des personnes sourdes et malentendantes. Dans d’autres pays comme les Etats-Unis notamment, c’était le cas depuis bien longtemps, tandis qu’en Europe les pays nordiques se sont lancés dès les années 70. Aujourd’hui les CRT couvrent le territoire national et offrent leurs services en journée sans interruption. 

 

Et sur le sujet de l’accessibilité des évènementiels, qu’en est-il ?

Une autre évolution notoire réside dans le mode opératoire de nos interventions de sous-titrage des événementiels. À mes débuts au Messageur, j’allais sous-titrer sur place. Je me déplaçais avec une lourde valise de matériels et de câbles, et je devais prévoir pas moins de 2 heures d’installation technique en amont de ma prestation, sans compter le temps de déplacement sur le lieu de l’évènement !  

Par ailleurs Le Messageur croyait fermement en l’avenir du sous-titrage diffusé en distanciel grâce à internet et s’est concentré sur cette innovation. En cela il a été visionnaire et pionnier, et en 2020, le COVID a fini de convaincre tous les clients adeptes du « sur place » de passer au distanciel.

Mais au démarrage, il n’existait pas d’outil en ligne d’affichage du sous-titrage à distance. Le Messageur avait déployé une solution qui permettait, grâce à une licence TeamViewer, d’envoyer l’image du PC de l’interprète de l’écrit sur le PC distant du client ou demandeur. Le son me parvenait par Skype. Les besoins d’affichage des clients changeaient tout le temps, je devais adapter la résolution de mon écran aux leurs. Aujourd’hui, il suffit de générer un lien qui permet au bénéficiaire de rejoindre la plateforme de sous-titrage : il est autonome sur ses paramétrages, tout comme moi. C’est infiniment plus simple et confortable. 

Même si les problèmes d’affichage étaient fréquents au démarrage, c’était tout de même un vrai progrès, car je n’étais plus ni dans la pièce avec les gens, ni même sur place dans une pièce isolée. Fini, les déplacements, terminé, les 2 heures d’installation en amont, toute mon énergie et ma concentration étaient désormais dédiées au seul exercice du sous-titrage. Je gagnais en concentration, en efficacité. De plus, à partir de ce moment, nous avons commencé à intervenir en binôme sur une prestation, avec la possibilité de se relayer, malgré l’éloignement géographique de mes collègues ! Ainsi j’avais désormais la capacité de sous-titrer 2 à 3 évènements différents dans une même journée en restant à mon bureau, en limitant ma fatigue grâce au relai. Le métier d’interprète de l’écrit s’ancrait efficacement dans le paysage de l’accessibilité pour le plus grand nombre. 

 

Avec le boom de l’IA (Intelligence Artificielle), comment vois-tu l’évolution de la profession ?

Par sa nature agile, Le Messageur a intégré sans difficulté les nouvelles pratiques de travail en home office et les évolutions technologiques : visioconférence, sous-titrage automatique pour les conversations informelles, car c’est une réalité, ces innovations facilitent l’accessibilité dans la vie quotidienne des personnes sourdes ou malentendantes. 

Malgré tout, dans la sphère professionnelle, il est inenvisageable d’enterrer le sous-titrage humain qui est la seule méthode pour garantir une accessibilité de qualité.

L’être humain a heureusement une longueur d’avance grâce à sa capacité à comprendre le contexte pour restituer un texte réellement fidèle aux propos. L’interprète de l’écrit a une vraie valeur ajoutée dans l’affichage d’un sous-titrage inclusif par son attention aux sous-entendus, au second degré et aux contresens. 

 

Selon toi, la loi de 2005 a-t-elle été déterminante dans la généralisation du sous-titrage en direct ?

Cette loi a été le point de départ pour travailler de façon sérieuse sur les moyens de compensation en permettant à toute personne handicapée de demander la mise en place des moyens humain ou technique pour compenser son handicap. Pour les personnes sourdes ou malentendantes préférant l’écrit, ou ne pratiquant ni la langue des signes ni le LPC, oui, cette loi a été déterminante sur la diffusion de l’accessibilité à la communication par la solution du sous-titrage en temps réel. 

Un certain nombre d’entreprises ont développé une proposition de services suite au vote de la loi handicap en partant de solutions techniques différentes et plus ou moins équivalentes en résultat.

Des tests de comparaison ont montré que le sous-titrage humain assisté par la reconnaissance vocale (technique du respeaking) est le plus rapide et le plus efficace pour restituer à l’écrit, de façon fidèle et exhaustive, les propos tenus à l’oral. Bien que pas toujours exact techniquement, désormais le terme de “vélotypie” s’est démocratisé pour désigner toutes les techniques de sous-titrage. 

Le Messageur a pu développer son activité de services de compensation du handicap de communication grâce à la loi handicap de 2005. Aujourd’hui, les raisons qui empêchent la mise en place de l’accessibilité lors d’un évènement sont principalement d’ordre budgétaire. 

Pour aller plus loin…

Lire l’épisode 1 : c’est quoi un interprète de l’écrit ? 

Découvrir nos prestations de sous-titrage en direct. 

En savoir plus sur le sous-titrage en direct au Messageur. 

En savoir plus sur le métier d’interprète de l’écrit. 

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